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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 10:18

Bicentenaire de la naissance de Frédéric Ozanam - homélie du Cardinal André Vingt-Trois

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Dans le cadre du Bicentenaire de la naissance de Frédéric Ozanam, une messe solennelle était célébrée dimanche 21 avril 2013 à la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Vous trouverez ci-dessous l'homélie du Cardinal André Vingt-Trois qui a présidé cette Eucharistie.

Dimanche 21 avril 2013 - Notre-Dame de Paris


Jésus est le bon pasteur. Sa mission pastorale ne se limite pas aux premiers disciples ni à Israël, elle est universelle. L’évangélisation se poursuit par la lutte contre l’ignorance et la misère, c’est l’œuvre à laquelle s’est attaché le bienheureux Frédéric Ozanam notamment à travers la Société de Saint-Vincent-de-Paul.


Frères et Sœurs,


Ce dimanche, la liturgie propose à notre méditation la figure du bon pasteur telle que Jésus se présente aux juifs. En quelques phrases l’évangile de saint Jean nous donne des éléments importants de réflexion : le bon pasteur donne la vie éternelle à ceux qui écoutent sa voix et qui le suivent (c’est à dire qui mettent en pratique la parole du Christ) et ce don de la vie est l’accomplissement de la mission de Jésus agissant au nom du Père : « Le Père et moi nous sommes un » (Jn 10, 30), nous dit-il. Le pasteur est celui qui connaît ses brebis et qui en prend soin jusqu’à donner sa vie pour elles.


Cette promesse du Christ adressée à ceux qui le suivent s’accomplit d’abord pour ses disciples qui se sont mis à sa suite. Mais ce discours s’adresse aussi explicitement aux Juifs, c’est à dire au Peuple élu auquel Dieu a promis d’envoyer un pasteur selon son cœur. Jésus est vraiment le berger d’Israël pour le conduire aux pâturages de la vie. Par sa mort et sa résurrection l’alliance de vie accomplit la vocation universelle d’Israël et s’ouvre à la multitude, comme le rappelle la formulation eucharistique de la Cène : « mon Sang versé pour vous et pour la multitude. »


Le lien qui unit le pasteur aux brebis n’est pas un lien qui exclut les autres brebis qui ne sont pas (faut-il dire encore ?) de cette bergerie. La mission pastorale du Christ ne se limite ni au groupe des premiers disciples qui l’entoure, ni à Israël qui en est le premier bénéficiaire. Elle s’étend à la multitude innombrable de ceux qui veulent bien écouter sa voix et le suivre : « une foule immense que nul ne pouvait dénombrer de toutes nations, races, peuples et langues. » (Ap 7, 9), comme nous le dit la vision de l’Apocalypse. C’est ainsi que Paul interprète la fureur des Juifs d’Antioche, comme un signe du commandement du Seigneur : « J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 13, 47)


Quand la mission pastorale du Christ nous est présentée dans cette dimension universelle, nous pressentons combien nous sommes loin d’avoir encore parcouru le chemin nécessaire à son accomplissement. Nous pouvons même mesurer que l’annonce de la Bonne Nouvelle, qui est la voix du pasteur, est une œuvre à reprendre sans cesse, à chaque génération. La nouvelle évangélisation n’est-elle pas la transcription pratique de cette mission dans le temps qui est le nôtre ? Il arrive souvent que des chrétiens imaginent ou rêvent une chrétienté florissante que nous aurions perdue. Je vous rappelle qu’au sortir de la révolution française, notre Église en France était complètement démunie à vues humaines. N’était-ce pas déjà le cadre d’une nouvelle évangélisation ? La dispersion des prêtres et des consacrés, l’ignorance de beaucoup des vérités élémentaires de la foi, la sécularisation complète des mœurs et de la culture, etc.


Dans un XIXe siècle marqué par la misère spirituelle des croyants et l’indifférence ou l’hostilité des gens cultivés (on pourrait dire des sortes de voltairiens éclairés !), le miracle de la renaissance de notre Église en France a reposé sur des prêtres obscurs comme le curé d’Ars ou le P. Chevrier à Lyon, sur des religieuses données tout entière au service des pauvres, comme la bienheureuse Rosalie Rendu à Paris, dans le quartier de la Mouffetard, des laïcs motivés et encouragés par des projets d’évangélisation comme Frédéric Ozanam. Quelles qu’aient été les circonstances différentes et les charismes particuliers, cette génération de chrétiens que l’on pourrait nommer la « génération des missionnaires de l’intérieur » s’est impliquée selon deux axes indissociables : l’annonce de la vérité et le service des pauvres. Ils luttaient ainsi contre les deux fléaux dont souffraient les pauvres des campagnes comme le nouveau prolétariat des cités : l’ignorance et la misère.


Jeune diplômé, Frédéric Ozanam assume son rang et ses responsabilités mais il n’hésite pas à quitter la sécurité professionnelle pour se lancer dans une carrière de chercheur. Devenu professeur à la Sorbonne, il oriente sa recherche historique de façon à lui permettre en même temps une œuvre apologétique : montrer que le christianisme a été une cause de progrès dans le développement des sociétés. Il ne pratique pas sa spécialité dans une sorte de schizophrénie mentale se voyant chercheur et enseignant « bien que croyant », mais au contraire s’adonnant à la recherche et à l’enseignement « parce que croyant. »


Il participe du grand mouvement pédagogique qui se constituait autour d’un certain nombre d’intellectuels et universitaires chrétiens et dont la fondation des Conférences de Carême de Notre-Dame a été un signal historique. Devant les religions ésotériques qui s’étaient substituées au christianisme comme devant les premières illusions d’un salut du à la science plutôt qu’à Dieu, ils n’ont pas baissé les bras. Ils ont voulu reconstruire une intelligibilité de la foi qui résiste aux attaques proprement intellectuelles et devenir des témoins intrépides de la vérité.


Mais les controverses et les Conférences Littéraires autour d’Emmanuel Bailly vont orienter sa vie autrement. Formé dès son enfance au service des pauvres, il va être provoqué par un contradicteur. Nous connaissons tous cette apostrophe : « Votre christianisme est mort… Où sont les œuvres qui démontrent votre foi, et qui peuvent nous la faire respecter et admettre ? » Il prend ces questions comme un appel de Dieu et, très vite, avec son petit groupe d’amis il se lance dans la visite des pauvres sous le patronage de saint Vincent de Paul. Frédéric a vingt ans. Il est à la moitié de sa vie mais il ne le sait pas encore. Peu à peu la Conférence va trouver ses règles de fonctionnement et surtout ses impératifs spirituels.


Après ce bref aperçu de la nouvelle évangélisation au XIXe siècle, revenons à notre présent. Par bien des aspects, notre société partage et prolonge la déchristianisation de la France du XIXe siècle. Comme elle, elle juxtapose de grandes réussites économiques et techniques avec des poches de misère de plus en plus criantes. Comme elle, elle développe une ignorance profonde du christianisme et de son apport spécifique à la recherche du bien commun. Aujourd’hui comme hier, nous sommes appelés à un nouvel effort d’évangélisation dont les deux piliers ne peuvent être autres que l’annonce de la vérité et le service des pauvres. Aujourd’hui comme hier, ceux qui ont le plus reçu en fait de culture, de compétence professionnelle et d’équilibre personnel sont appelés à entrer résolument dans une démarche de partage. Encore aujourd’hui, il nous faut partager les richesses que nous avons reçues, il nous faut annoncer le Christ, seule espérance du monde, il nous faut nous mettre au service personnel des pauvres, non seulement par le don de notre superflu mais surtout par le don de nous-mêmes dans une relation fraternelle avec les plus humbles. Nous le savons, la situation de notre société n’est plus celle du XIXe siècle. Les moyens publics de protection sociale et de traitement de la misère ont beaucoup progressé, ils prennent en charge bien des situations qui étaient abandonnées il y a 150 ans. Mais malgré cet effort collectif pour la prise en charge des difficultés de l’existence de bon nombre d’entre nous, nous le savons, notre société comme toujours génère à sa marge des personnes qui n’ont pas accès à cette protection commune, parce qu’ils n’y ont pas droit, ou parce qu’ils ne savent pas la demander, ou parce qu’ils ne pensent pas qu’ils peuvent y recourir. Mais en tout cas, ils restent sur les trottoirs de nos villes comme le signe que malgré notre prospérité, la misère n’est pas éradiquée. Plus encore, malgré le succès remarquable de l’enseignement universel qui s’est répandu à partir du XIXe siècle, nous constatons à l’orée du XXIe siècle que le nombre des illettrés, analphabètes ou personnes maîtrisant difficilement la lecture ne cesse de croître. La culture peut se développer, peut-elle se développer pour tous ? Que nos saints devanciers : Vincent de Paul, Louise de Marillac, Rosalie Rendu et Frédéric Ozanam nous servent de modèles et intercèdent pour nous.

 

 Amen

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