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Solidarité-Torture

29 mai 2013 3 29 /05 /mai /2013 06:25

Mercredi 29 mai 2013 3 29 /05 /Mai /2013 06:07

Des Roms par eux-mêmes       

DANA-COVACI 19fevrier13

© Dana Covaci, à Ris-Orangis, le 19 février 2013.

 

Ni victime, ni objet. Pour une fois, l’objectif est inversé. Des Roms photographient leur quotidien en France en région parisienne. Ce sont eux qui cadrent, qui posent, qui éclairent, qui décident de sourire ou pas, qui déclenchent.

Dans leurs caravanes ou sur les trottoirs, ils passent trop fréquemment de l’ombre à la lumière, du silence au fracas médiatique, sans pouvoir maîtriser leur image.

Comme souvent les pauvres parmi les pauvres, ils sont généralement filmés dans leur misère, à leur insu, expulsés, sous toutes les coutures, photos volées, visages floutés, comme d’étranges étrangers. 

ABEL-COVACI 04mars2013 

© Abel Covaci, à Ris-Orangis, le 4 mars 2013.

 

Cette fois-ci, leurs yeux apparaissent. Bleus, marron, noirs, gris-vert. Et leur regard aussi. Documentaristes et sujets en un seul geste. La place Ris Orangis, proposé par les éditions illimitées, est un livre de photographies rassemblant des portraits en forme d’état des lieux (cliquer sur ce lien pour se le procurer, sachant que les droits d'auteur sont reversés aux familles ayant participé au projet). Les résidents de l’ex-campement de la N7 de Ris-Orangis en Essonne se présentent tel qu’en eux-mêmes. Ou tel qu’ils veulent se donner à voir. Certains prennent les photos, d’autres posent. Et inversement.

 

Ils nous guident à travers leur terrain, nous invitent à l’intérieur de leurs cabanons. Ils préparent le dîner, montrent leurs peluches et leurs décorations. Les poêles fument, les postes de télévision sont éteints, les piécettes étalées sur une table, des vêtements suspendus. Ils exposent leur environnement, feuillages, bouquets, détritus. Aucun voyeurisme dans ce tour. Personne ne fait irruption chez eux. Ils ne cherchent ni à plaire, ni à déplaire. 

 

MURECHEANKA-COVACI 28fevrier2013 

© Murecheanka Covaci, à Ris-Orangis, le 28 février 2013.

 

Ils nous montrent mais aussi nous regardent, et ce faisant, loin des clichés, interrogent les représentations que nous avons d’eux.

 

Les appareils photo ne sont pas tombés du ciel. Ils leur ont été prêtés dans le cadre d’un projet au long cours baptisé PEROU pour Pôle d’exploration des ressources urbainesqui s’est étiré du 22 décembre 2012 au 3 avril 2013, date de l’évacuation des habitants et de la destruction de leurs maisons.

 

Catherine Fouteau 

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16 mai 2013 4 16 /05 /mai /2013 09:24
Catholicisme

Diaconia, un autre visage de l'Eglise catholique

Laurent Grzybowski

Créé le 13/05/2013 / modifié le 14/05/2013 à 12h00

© Laurent Grzybowski
© Laurent Grzybowski

Du 9 au 11 mai, 12 000 personnes engagées dans la lutte contre l'exclusion et la pauvreté se sont rassemblées à Lourdes, dans le cadre du projet Diaconia, lancé par l'Eglise catholique en France.

 

12 000 personnes venues de toute la France, dont 3 000 en situation de précarité, délégués par leurs diocèses, ont participé du 9 au 11 mai au rassemblement Diaconia 2013 à Lourdes, sur le thème : « Servons la fraternité ». Une démarche inédite et originale, confortée par la force des premiers mots et gestes du pape François. Le jour-même de son élection, le 13 mars, ce pape proche des pauvres avait appelé les catholiques à vivre « un chemin de fraternité ». A tel point que, les jours suivants, les inscriptions avaient grimpé en flèche, passant de 8 000 à 12 000 participants. C'est la première fois que les catholiques engagés dans la solidarité et dans le service des autres se rassemblent en masse... avec ceux-là mêmes qu'ils rencontrent quotidiennement par le biais de leur engagement : personnes de la rue, familles en précarité, chômeurs, prisonniers, gens du voyage, migrants avec ou sans-papier, malades ou handicapés...

 

« Face à la crise, nous refusons le fatalisme car nous avons une bonne nouvelle à annoncer », nous a expliqué Mgr Bernard Housset, président du Conseil national de la solidarité. « Tous, qui que nous soyons, nous pouvons trouver notre bonheur dans le service des autres et notamment des plus fragiles. Ceux-là ne veulent plus être considérés comme des assistés, mais comme des partenaires, c'est pourquoi nous cherchons à promouvoir la réciprocité des échanges. Les personnes en situation de fragilité ont des richesses à partager. Ils ne veulent pas simplement recevoir une aide, un sourire ou une attention, ils veulent aussi donner. Et ils ont beaucoup à nous donner. »

 

Membre du groupe Place et parole des pauvres, Marie-France a raconté face à la foule rassemblée dans la basilique souterraine Saint Pie X comment, un jour, elle avait découvert un tag inscrit sur le mur d'une église dont les portes étaient fermées, « Ouvrez la porte de l'église, Dieu est à tous ! », et comment cette parole avait fortement résonné en elle. Longuement applaudie, cette militante a ajouté : « Quelle place faisons-nous aux plus petits et aux plus fragiles dans nos paroisses ? Comment sont-ils pris en compte et vraiment inclus dans la communauté ? Vivre la fraternité n'est pas réservé aux spécialistes, ce doit être l'affaire de toute la communauté chrétienne. »

 

Par sa dimension à la fois sociale et populaire, par son ouverture aux autres, Diaconia a été aussi l'occasion de présenter un visage d'Eglise différent de celui des manifestations contre le mariage pour tous. « Dans le contexte de crise écologique, économique et financière que nous traversons, le rassemblement Diaconia est une manière d'affirmer que la rencontre et le partage avec les personnes fragilisées peuvent transformer des regards, des vies, des communautés et la société toute entière », a expliqué François Soulage, président du Secours catholique, l'un des initiateurs de la rencontre. « Avec Diaconia, l'Eglise montre aussi qu'elle peut s'intéresser à autre chose qu'au mariage gay, ou en parler autrement. Il y a parmi les participants des membres de l'association David et Jonathan, rassemblant des chrétiens homosexuels qui n'ont pas le même vision que ceux qui sont allés manifester contre le mariage pour tous. »

 

Ils sont en effet nombreux, dans les associations et les réseaux caritatifs, à penser qu'il est temps de tourner la page sur ce sujet. « Pourquoi descendre encore dans la rue le 26 mai ? », s'interroge Julien, 25 ans, militant de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), qui voit dans ces manifestations à répétition un « phénomène de classe ». A Lourdes, dans les conversations, beaucoup ont d'ailleurs dit leur ras-le-bol de voir leur Eglise associée à la droite ou à l'extrême droite, voire à des groupes franchement homophobes. Et ont regretté que les catholiques se soient autant mobilisés sur cette question... au détriment d'un combat qui leut paraît bien plus légitime : la lutte contre l'exclusion.

 

Jusqu'à l'évêque de Nanterre, Mgr Gérard Daucourt, qui n'a pourtant pas ménagé sa peine ces derniers mois pour mobiliser les catholiques de son diocèse contre le mariage gay. Lors d'un forum organisé pendant la rencontre, il n'a pas hésité à affirmer : « Si les catholiques mettaient autant d'énergie à combattre toutes les formes d'exclusion dans l'Eglise et dans la société qu'ils en ont mis à dénoncer le mariage pour tous, il n'y aurait plus un seul pauvre à l'entrée de nos

églises. »

     

 

 

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13 mai 2013 1 13 /05 /mai /2013 08:43

 

Dossier fraternité

TC n° 3537 9 mai 2013

« Qu’ai-je fait de mon frère ? »

Par Témoignage chrétien

« Qu’ai-je fait de mon frère ? »
 
TÉMOIGNAGES - « Qu'as tu fait de ton frère ? » Témoignage chrétien a posé la question à François Soulage, président du Secours catholique, au rappeur et écrivain Disiz, à Dominique et Arlette Sauvage, équipiers actifs de la Cimade, à l'ex-magistrate Muriel de Fabrègues et à Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des évêques de France. Ils répondent.
ReconnaÎtre son existence François Soulage, président du Secours catholique.

Quel est mon frère dont je dois m’occuper ainsi, auquel je dois prêter une attention particulière ? Ce frère, il est celui qui est dans le besoin, qu’il s’agisse de besoin matériel ou de besoins spirituels. Ce frère, c’est celui qui, fragile, n’arrive pas à trouver sa place dans notre société, vit mal une relation familiale ou conjugale, mais c’est aussi, tout simplement, celui qui vit à mes côtés, dans ma rue, dans mon quartier, que je rencontre dans mon église, et auquel je n’adresse jamais la parole.

Pourtant le regard, comme la parole, est le premier signe de l’intérêt que l’on porte à une personne. Non pas un regard qui juge mais un regard qui fait exister, qui démontre à la personne rencontrée qu’elle existe à mes yeux.

Ce que je fais à mon frère, c’est d’abord reconnaître son existence à mes côtés, accepter de l’écouter, puis ensuite l’accompagner pour qu’il puisse se reconstruire et retrouver peu à peu la liberté indispensable qui est de pouvoir choisir sa vie.

C’est d’abord à la rencontre du frère différent de moi qu’invite la démarche Diaconia. Une rencontre pour découvrir, ou redécouvrir, le monde qui nous entoure avec ses merveilles et ses fragilités, qui, dès lors qu’elles sont clairement révélées, nous obligent à revenir sans cesse au message de l’Évan­gile : aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés.

Dans nos communautés chrétiennes, les fruits de cette démarche devraient être une présence plus grande des réalités économiques et sociales de la société humaine au sein de laquelle se situe la communauté chrétienne, et à travers cela, permettre aux membres de cette communauté de discerner ce que le monde, qui est autour d’eux, attend des chrétiens.


« Les frères que j’ai choisis »

Disiz, rappeur, écrivain et acteur français originaire d’Évry.

À la question : « Qu’ai-je fait de mon frère ? », je répondrai : « Qu’est-ce que mon frère a fait de moi ? » La fraternité est celui des trois piliers de la devise de la République française qui est le plus friable. Qu’on le veuille ou non, on ne grandit pas dans la même famille en France, on tente juste de la recomposer d’année en année et de projets en projets.

On ne choisit pas ses frères et sœurs au sens premier de la fratrie, mais étant fils unique j’ai dû choisir les miens. Malgré mon métissage (mère Française, père Sénégalais), quand je regarde les frères que j’ai choisis, ils viennent tous du même milieu social, ont à peu près tous la même croyance en Dieu et, toutes couleurs confondues, ce même ressentiment envers la France.

Donc, à la question : « Qu’ai-je fait de mon frère ? », si l’on parle des mes « vrais » frères – j’entends par là tous ceux que j’aime du plus profond de mon cœur, mes semblables issus des quartiers populaires du pays, ceux que ni le temps ni la distance n’ont réussi à séparer dans la perception de l’âme, ceux qui ont connu et connaissent encore le même questionnement intérieur sur leur rôle et leur place au sein de la Famille française, ceux qui se vexent, s’attristent, se mettent en colère parfois, mais surtout s’inquiètent quand ils voient l’image trouble et déformée que le reste de la Famille a d’eux –, à cette question, donc, je répondrai que ce frère je l’ai toujours aimé et que je l’ai toujours poussé malgré tout à ne pas se séparer des autres membres de la Famille.

Même si tout porte à croire que ces autres membres, soit ne le considèrent pas comme tel, soit ne l’apprécient que pour ses aspects les plus divertissants. Comme si implicitement, tous les autres membres de la Famille nous rappelaient consciemment ou inconsciemment, avec cruauté parfois, maladresse souvent, que nous n’étions non pas, nous aussi, les enfants de la patrie, les frères de la fratrie, mais les enfants d’une famille d’accueil.


Elle m’a dit : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »

Dominique et Arlette Sauvage, « équipiers actifs » du groupe local de la Cimade Ardennes.

Quel frère, quelle sœur ? Ah, oui, la grande famille humaine, laquelle n’a pas encore compris qu’elle est une et devrait tellement être unie.

Quand ? Depuis la nuit des temps jusqu’à maintenant, période terrible où l’on se croit civilisé alors que nous avons seulement obtenu d’étonnantes avancées technologiques, où notre superflu nous est rendu indispensable, alors que la grande majorité de nos frères et sœurs manquent de l’essentiel, ici et au loin.

Où ? Sur toute la terre, bien sûr, notre petit village lové autour d’une bien modeste planète, mais aussi et d’abord au coin de notre rue, devant notre porte, et pourquoi pas dans notre famille même (mais si !).

Comment ? Si on a la chance de prendre naïvement au premier degré et d’accepter l’idée que tous les hommes et toutes les femmes sont frères et sœurs, tout est alors facile et évident, comme pour l’auvergnat de Brassens et ses quatre bouts de bois, l’hôtesse et son pain, l’étranger et son sourire…

Mais cette fraternité (et sororité), annoncée et affichée, reste trop souvent strictement une théorie. Peur d’être jugé, peur de mal faire ou de faire mal, peur d’être trompé, de devenir objet de risée, peur de perdre du temps, de l’argent, de l’indépendance, que de motifs qui nous retiennent de nous lancer sans retenue, avec simplicité dans cette aventure.

Pourtant la « charité » devient alors partage, l’écoute devient échange et la compassion se transforme parfois même en amitié. On croit donner, et on reçoit tellement. Salut et Fraternité, à vous tous frères et sœurs humains.

La dure réalité du vivre-ensemble

Muriel de Fabrègues, ancienne magistrate et maître de conférences à l’université Panthéon – Assas.

J’ai eu le privilège d’exercer comme substitut du procureur au tribunal de Bobigny, puis au Pôle financier pendant cinq années. Ce fut une expérience riche et marquante. En effet, se voir confier le pouvoir de juger des hommes et des femmes n’est pas une mission banale. J’ai perçu, chez mes collègues magistrats, ce que j’ai également découvert chez mes jeunes étudiants en droit, désireux d’entrer dans la magistrature, une vocation particulière, ou un appel : « Mets-toi au service de tes frères et travaille à mettre de la paix entre les hommes. »

Je crois sincèrement que chaque magistrat a ressenti à un moment de son histoire cette orientation profonde pour s’occuper de ses frères. Puis vient la confrontation avec la réalité du vivre-ensemble social, dans lequel se mêlent violence, vice, fuite, tromperie et mal.

Avec la loi comme table de travail et le corps judiciaire comme armure de protection, le juge lutte contre l’injustice. Mais la tâche s’avère extrêmement difficile : les injustices sont trop nombreuses. L’équipement du juge s’apparente parfois à un dé à coudre, alors qu’on lui demande de vider un cargo rempli d’eau.

Dans ces conditions, le juge doit se résoudre à sa mission de préserver l’intérêt général. Ce qui le place de fait en dehors de tout projet utopique ou personnel. Et c’est ainsi que la justice des hommes n’est pas celle de Dieu : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ! »


Changer de regard

Père Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des évêques de France.

Dieu ne cesse d’avoir avec l’humanité une relation qu’expriment deux questions : « Adam, où es-tu ? » et « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Et ce n’est pas très étonnant que ces deux questions soient fondatrices. L’homme ne peut se trouver, l’homme ne peut se réaliser que s’il prend en compte son frère.

Dès les commencements d’ailleurs, ils furent deux pour qu’aucun ne puisse se suffire à lui-même. Le frère est celui que je reçois. C’est lui qui me donne d’être moi-même en prenant soin de lui. Le principe de solidarité que la Doctrine sociale de l’Église développe est la traduction du lien qui unit, qu’ils le veuillent ou non, tous les hommes entre eux.

Le frère pour nous est cette multitude d’hommes et de femmes aimés par le père d’un amour inconditionnel et qu’il nous demande d’aimer, d’aimer en servant, d’aimer en respectant, d’aimer en faisant grandir. Et, dans cette mission qui nous incombe, le regard est sans doute ce qu’il y a de plus fort. Car le regard peut transpercer ou illuminer.

Dieu ne cesse de nous presser de changer de regard pour que nous nous ajustions à celui qu’il nous porte : un regard de tendresse et d’espérance. C’est ce juste regard qui nous empêche de faire de l’autre un instrument de notre propre volonté.

Tout est dans le ton. Je n’imagine pas Dieu vociférant envers Caïn. Je l’imagine simplement et douloureusement attaché au bonheur de ses enfants. Nul reproche dans la voix mais l’appel pressant à faire vivre l’autre, ce frère donné. Cet appel prend corps en Jésus, Christ et Seigneur, serviteur doux et humble. Cet appel se fait plus pressant encore car le Christ, notre frère, se donne à voir dans le prisonnier et le malade, dans l’affamé et l’homme nu. Cet appel est celui de l’exigence de la vie, car on sait bien qu’on n’a jamais fini d’aimer.
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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 08:11

 

Dossier fraternité

TC n° 3537 9 mai 2013
Frères et sœurs d’exclusion

Par Marc Endeweld

Martin Luther King, le 28 août 1963, à Washington, quelques minutes avant de prononcer son célèbre discours « I have a dream ». Copyright : AFP
  La fraternité amène à constituer des « nous ». Une force pour les faibles, les opprimés, les exclus. Quand le lien fraternel se conjugue avec communautés.
Lors d’une conférence à l’automne 2012 devant des Francs-maçons, Régis Debray expliqua : « La fraternité, c’est toujours le fait d’une minorité. Les majorités n’ont aucune rai­son d’être fraternelles. La fraternité, c’est la seule force que l’on a quand on est faible. La fraternité rime avec fragilité. La vulnérabilité fait lien . »

De fait, la fraternité, cet « angle mort » du discours politique majoritaire d’aujourd’hui, a toujours été le moyen d’engager des luttes minoritaires. Cette « part nocturne, maudite et motrice, de la caravane humaine, jacqueries et révoltes, sentiment d’humiliation, sursauts de colère, besoin de dignité », souligne d’ailleurs Régis Debray dans Le moment fraternité. Et l’intellectuel de faire référence aux Canuts insurgés de la Croix Rousse, ou aux Communards à Paris.

combats minoritaires

Mais, plus proche de nous, on pourrait davantage évoquer le mouvement des droits civiques aux États-Unis et l’affirmation des Noirs, comme celle des gays, lesbiennes et trans, depuis la fin des années 1960. Dans ces combats minoritaires, le sentiment fraternel naît, comme lors des constructions nationales au XIXe siècle, de moments mythiques et mythifiés : c’est en 1955, le boycott des bus de Montgomery, déclenché à la suite de l’arrestation de Rosa Parks qui refusait de laisser son siège, dans un bus, à un Blanc. Mais ce sont également les émeutes de
Stonewall : une série de manifestations contre un raid de la police – qui a eu lieu dans la nuit du 28 juin 1969 à New York, au Stonewall Inn –, à l’origine du mouve­ment des droits civiques pour les homosexuels, aux États-Unis et partout dans le monde.

La fraternité est donc une arme contre l’exclusion, la stigmatisation : « Le fraternel, plus latino et africain qu’européen, respire à l’aise dans les colored people, mais il a l’asthme chez les white only », note d’ailleurs Debray. « Brothers, sisters, hermanas, hermanos », cette fraternité est « l’orgueil des banlieues, la fierté des terrains va­gues », ajoute-t-il. Pour ne pas être excluante, la fraternité doit être capable de dépasser les barrières : « Être fraternel, c’est faire famille avec ceux qui ne sont pas de la famille… car la fratrie c’est souvent la férocité », note Debray.

I have a dream

La fraternité, ce n’est donc pas nier les différences, mais faire avec. À la différence de l’humanisme, la fraternité peut rassembler sur la dissemblance et sait transformer l’humiliation en fierté. « Il est difficile d’être un homme. Mais pas plus de le devenir en approfondissant sa communion qu’en cultivant sa diffé­rence », écrivait André Malraux dans Le temps du mépris. Et le pasteur Martin Luther King, dans son fameux dis­cours « I have a dream » prononcé en août 1963, en appelait à la fraternité entre Noirs et Blancs.

Mais cette fraternité noire qui a porté la lutte pour les droits civiques aux États-Unis était rendue possible, selon Régis Debray, par la force du patriotisme américain, «  la One Nation under God », qui permet, en principe, un métissage de communautés par le haut. À l’inverse, selon lui, « la France ressemble à un vaisseau de cathédrale désaffectée dont le chœur s’est écroulé, mais à laquelle, on ne se cesserait d’ajouter, sur les colla­téraux, chapelles et diverticules ».

L’enjeu est donc bien de faire du même avec de l’autre, et non du même avec du même. Paradoxalement, dans une société où les individus jouissent d’appar­tenances multiples, le rêve d’une société fraternitaire est peut-être, contrairement à ce qu’essayent de nous faire croire certains Cassandres médiatiques, plus que jamais à notre portée.
Et c’est peut-être ce qui fait peur aux puissants.
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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 10:18

Bicentenaire de la naissance de Frédéric Ozanam - homélie du Cardinal André Vingt-Trois

pas d'image courante
               
Dans le cadre du Bicentenaire de la naissance de Frédéric Ozanam, une messe solennelle était célébrée dimanche 21 avril 2013 à la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Vous trouverez ci-dessous l'homélie du Cardinal André Vingt-Trois qui a présidé cette Eucharistie.

Dimanche 21 avril 2013 - Notre-Dame de Paris


Jésus est le bon pasteur. Sa mission pastorale ne se limite pas aux premiers disciples ni à Israël, elle est universelle. L’évangélisation se poursuit par la lutte contre l’ignorance et la misère, c’est l’œuvre à laquelle s’est attaché le bienheureux Frédéric Ozanam notamment à travers la Société de Saint-Vincent-de-Paul.


Frères et Sœurs,


Ce dimanche, la liturgie propose à notre méditation la figure du bon pasteur telle que Jésus se présente aux juifs. En quelques phrases l’évangile de saint Jean nous donne des éléments importants de réflexion : le bon pasteur donne la vie éternelle à ceux qui écoutent sa voix et qui le suivent (c’est à dire qui mettent en pratique la parole du Christ) et ce don de la vie est l’accomplissement de la mission de Jésus agissant au nom du Père : « Le Père et moi nous sommes un » (Jn 10, 30), nous dit-il. Le pasteur est celui qui connaît ses brebis et qui en prend soin jusqu’à donner sa vie pour elles.


Cette promesse du Christ adressée à ceux qui le suivent s’accomplit d’abord pour ses disciples qui se sont mis à sa suite. Mais ce discours s’adresse aussi explicitement aux Juifs, c’est à dire au Peuple élu auquel Dieu a promis d’envoyer un pasteur selon son cœur. Jésus est vraiment le berger d’Israël pour le conduire aux pâturages de la vie. Par sa mort et sa résurrection l’alliance de vie accomplit la vocation universelle d’Israël et s’ouvre à la multitude, comme le rappelle la formulation eucharistique de la Cène : « mon Sang versé pour vous et pour la multitude. »


Le lien qui unit le pasteur aux brebis n’est pas un lien qui exclut les autres brebis qui ne sont pas (faut-il dire encore ?) de cette bergerie. La mission pastorale du Christ ne se limite ni au groupe des premiers disciples qui l’entoure, ni à Israël qui en est le premier bénéficiaire. Elle s’étend à la multitude innombrable de ceux qui veulent bien écouter sa voix et le suivre : « une foule immense que nul ne pouvait dénombrer de toutes nations, races, peuples et langues. » (Ap 7, 9), comme nous le dit la vision de l’Apocalypse. C’est ainsi que Paul interprète la fureur des Juifs d’Antioche, comme un signe du commandement du Seigneur : « J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. » (Ac 13, 47)


Quand la mission pastorale du Christ nous est présentée dans cette dimension universelle, nous pressentons combien nous sommes loin d’avoir encore parcouru le chemin nécessaire à son accomplissement. Nous pouvons même mesurer que l’annonce de la Bonne Nouvelle, qui est la voix du pasteur, est une œuvre à reprendre sans cesse, à chaque génération. La nouvelle évangélisation n’est-elle pas la transcription pratique de cette mission dans le temps qui est le nôtre ? Il arrive souvent que des chrétiens imaginent ou rêvent une chrétienté florissante que nous aurions perdue. Je vous rappelle qu’au sortir de la révolution française, notre Église en France était complètement démunie à vues humaines. N’était-ce pas déjà le cadre d’une nouvelle évangélisation ? La dispersion des prêtres et des consacrés, l’ignorance de beaucoup des vérités élémentaires de la foi, la sécularisation complète des mœurs et de la culture, etc.


Dans un XIXe siècle marqué par la misère spirituelle des croyants et l’indifférence ou l’hostilité des gens cultivés (on pourrait dire des sortes de voltairiens éclairés !), le miracle de la renaissance de notre Église en France a reposé sur des prêtres obscurs comme le curé d’Ars ou le P. Chevrier à Lyon, sur des religieuses données tout entière au service des pauvres, comme la bienheureuse Rosalie Rendu à Paris, dans le quartier de la Mouffetard, des laïcs motivés et encouragés par des projets d’évangélisation comme Frédéric Ozanam. Quelles qu’aient été les circonstances différentes et les charismes particuliers, cette génération de chrétiens que l’on pourrait nommer la « génération des missionnaires de l’intérieur » s’est impliquée selon deux axes indissociables : l’annonce de la vérité et le service des pauvres. Ils luttaient ainsi contre les deux fléaux dont souffraient les pauvres des campagnes comme le nouveau prolétariat des cités : l’ignorance et la misère.


Jeune diplômé, Frédéric Ozanam assume son rang et ses responsabilités mais il n’hésite pas à quitter la sécurité professionnelle pour se lancer dans une carrière de chercheur. Devenu professeur à la Sorbonne, il oriente sa recherche historique de façon à lui permettre en même temps une œuvre apologétique : montrer que le christianisme a été une cause de progrès dans le développement des sociétés. Il ne pratique pas sa spécialité dans une sorte de schizophrénie mentale se voyant chercheur et enseignant « bien que croyant », mais au contraire s’adonnant à la recherche et à l’enseignement « parce que croyant. »


Il participe du grand mouvement pédagogique qui se constituait autour d’un certain nombre d’intellectuels et universitaires chrétiens et dont la fondation des Conférences de Carême de Notre-Dame a été un signal historique. Devant les religions ésotériques qui s’étaient substituées au christianisme comme devant les premières illusions d’un salut du à la science plutôt qu’à Dieu, ils n’ont pas baissé les bras. Ils ont voulu reconstruire une intelligibilité de la foi qui résiste aux attaques proprement intellectuelles et devenir des témoins intrépides de la vérité.


Mais les controverses et les Conférences Littéraires autour d’Emmanuel Bailly vont orienter sa vie autrement. Formé dès son enfance au service des pauvres, il va être provoqué par un contradicteur. Nous connaissons tous cette apostrophe : « Votre christianisme est mort… Où sont les œuvres qui démontrent votre foi, et qui peuvent nous la faire respecter et admettre ? » Il prend ces questions comme un appel de Dieu et, très vite, avec son petit groupe d’amis il se lance dans la visite des pauvres sous le patronage de saint Vincent de Paul. Frédéric a vingt ans. Il est à la moitié de sa vie mais il ne le sait pas encore. Peu à peu la Conférence va trouver ses règles de fonctionnement et surtout ses impératifs spirituels.


Après ce bref aperçu de la nouvelle évangélisation au XIXe siècle, revenons à notre présent. Par bien des aspects, notre société partage et prolonge la déchristianisation de la France du XIXe siècle. Comme elle, elle juxtapose de grandes réussites économiques et techniques avec des poches de misère de plus en plus criantes. Comme elle, elle développe une ignorance profonde du christianisme et de son apport spécifique à la recherche du bien commun. Aujourd’hui comme hier, nous sommes appelés à un nouvel effort d’évangélisation dont les deux piliers ne peuvent être autres que l’annonce de la vérité et le service des pauvres. Aujourd’hui comme hier, ceux qui ont le plus reçu en fait de culture, de compétence professionnelle et d’équilibre personnel sont appelés à entrer résolument dans une démarche de partage. Encore aujourd’hui, il nous faut partager les richesses que nous avons reçues, il nous faut annoncer le Christ, seule espérance du monde, il nous faut nous mettre au service personnel des pauvres, non seulement par le don de notre superflu mais surtout par le don de nous-mêmes dans une relation fraternelle avec les plus humbles. Nous le savons, la situation de notre société n’est plus celle du XIXe siècle. Les moyens publics de protection sociale et de traitement de la misère ont beaucoup progressé, ils prennent en charge bien des situations qui étaient abandonnées il y a 150 ans. Mais malgré cet effort collectif pour la prise en charge des difficultés de l’existence de bon nombre d’entre nous, nous le savons, notre société comme toujours génère à sa marge des personnes qui n’ont pas accès à cette protection commune, parce qu’ils n’y ont pas droit, ou parce qu’ils ne savent pas la demander, ou parce qu’ils ne pensent pas qu’ils peuvent y recourir. Mais en tout cas, ils restent sur les trottoirs de nos villes comme le signe que malgré notre prospérité, la misère n’est pas éradiquée. Plus encore, malgré le succès remarquable de l’enseignement universel qui s’est répandu à partir du XIXe siècle, nous constatons à l’orée du XXIe siècle que le nombre des illettrés, analphabètes ou personnes maîtrisant difficilement la lecture ne cesse de croître. La culture peut se développer, peut-elle se développer pour tous ? Que nos saints devanciers : Vincent de Paul, Louise de Marillac, Rosalie Rendu et Frédéric Ozanam nous servent de modèles et intercèdent pour nous.

 

 Amen

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14 février 2013 4 14 /02 /février /2013 07:25

 

13 février 2013

« Une gestion anarchique du dispositif d’accueil »

 

La Coordination française pour le droit d’asile fait paraître ce mercredi 13 février un état des lieux alarmant  sur l’accueil des demandeurs d’asile en France. Rencontre avec Franck Ozouf, rédacteur du rapport. 

  • Vous avez conduit une enquête dans 31 départements...

Effectivement, l’idée était de pouvoir faire un état des lieux national, qui soit représentatif de l’accueil qui est fait aux demandeurs d’asile qui ne sont pas pris en charge dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). Cet accueil est assuré par des plateformes d’accueil de demandeurs d’asile. Gérées directement par l’Office français de l’Immigration et l’Intégration (Ofii) ou bien déléguées à des associations, elles doivent recevoir les personnes et les accompagner dans leurs premières démarches pour déposer une demande d’asile. Or en 2011, le ministère a mis en place un nouveau référentiel pour harmoniser leurs pratiques en leur fixant un certain nombre de missions, insuffisantes et restreignant les possibilités d'accompagnement. 

Nous sommes donc allés voir sur le terrain, dans 31 départements de 15 régions, ce qu’il en était vraiment… Or le bilan est très hétérogène. D’harmonisation, il n’y en a pas eu ! Dans chaque département, chacun a interprété le référentiel à sa façon. Même les plateformes qui sont pilotées directement par l’Office de l’immigration et de l’intégration (Ofii) ne respectent pas les missions du référentiel définies par l’office et le ministère ! 

Ce constat est identique dans les différentes administrations en charge de l'asile telles que les préfectures, le pôle emploi ou bien les caisses primaires d'assurance maladie où le droit n'est pas appliqué de manière uniforme, comme cela est largement explicité dans le rapport s'agissant de l'accès à la demande d'asile, à un hébergement ou encore à une couverture maladie...

  • Ce rapport dévoile le rôle des associations dans l’accueil des demandeurs d’asile…

D’abord, nous avons rencontré les associations de la CFDA, associations qui sont la plupart du temps nationales mais qui, selon les villes ou les départements, ne sont pas confrontées aux mêmes difficultés, et n’ont pas les mêmes pratiques. Nous avons également rencontré les associations gérant les plateformes, dites les «opérateurs », et puis une quinzaine d’autres associations locales. Selon les villes, chacun a un rôle distinct. Les opérateurs interprètent le référentiel à leur façon, malgré les missions précises que l’État est censé leur avoir données. Certaines associations en font plus, d’autres en font moins…Certaines aident les personnes à rédiger leur récit pour leur demande d’asile par exemple, d’autres le refusent. Et les associations caritatives ou militantes locales vont pallier aux manques de la plateforme. Parfois en concertation avec la plateforme, parfois sans aucun lien. Ainsi, à Angers, la plateforme fonctionne bien avec les autres associations. À Rouen par contre, la situation est très compliquée car la plateforme fait le minimum et le tissu associatif local est trop faible pour accueillir tous les exclus du dispositif. 

  • Il y a donc d’un côté les associations payées par l’État pour gérer les plateformes d’accueil et de l’autre les associations militantes qui accueillent les exclus de ce système ?

Oui, mais les exclus de ce système ne sont pas forcément les mêmes d’un département à un autre, selon les pratiques de l’Ofii ou des associations gérant la plateforme d’accueil. Certaines plateformes font de la domiciliation, d’autres non, certaines aident les personnes à rédiger leur récit, d’autres non etc. 

En tout état de cause, ce sont les associations qui pallient les manquements de l’État… Oui, c’est certain. Bien sûr, il y a une prise de conscience des militants. Mais tout le monde a la tête dans le guidon et il faut pallier l’urgence. Quand en face il y a des personnes qui sont à la rue, on y va même si cela devrait être à l’État de les prendre en charge. Il peut y avoir des tensions fortes d’ailleurs entre les plateformes et les autres associations qui reçoivent ceux que la plateforme a exclu… À Orléans par exemple, l’Ofii gère le premier accueil mais ne fait presque rien et il y a seulement trois associations qui accompagnent les demandeurs d’asile. Elles sont complètement débordées surtout que le Loiret voit arriver de nombreux demandeurs d’asile. Quand le tissu associatif n’est pas assez fort pour compenser les manquements de l’État, ce sont les demandeurs d’asile qui en pâtissent…

  • Quel est le constat que vous tirez de toutes ces expériences différentes ?

Alors que le nombre de demandeurs d’asile est stable et que l’État semble mettre davantage de moyens, ces personnes sont de plus en plus mal accueillies. Le ministère, avec son bras armé qu’est l’Ofii, a tenté d’harmoniser le dispositif, mais c’est un échec patent. Le dispositif est complètement désorganisé et exclut de plus en plus de personnes. Les associations qui gèrent les plateformes sont soumises à de fortes pressions, notamment financières. Elles sont donc contraintes à ne mettre en place qu’une mission administrative, sans pouvoir faire l’accompagnement social et juridique nécessaire. Les autres associations, qui ne sont pas financées dans le cadre des plateformes sont, elles, débordées, prises à la gorge voire perdent le peu de financement qu'elles avaient obtenu. C'est le cas en Île-de-France avec Dom'Asile ou bien à Strasbourg avec le CASAS. Cette enquête dévoile une véritable gestion anarchique du dispositif. Dispositif inefficace qui coûte très cher à cause des mécanismes de contrôle et de dissuasion mis en place. Il s’agit de gérer un flux, avec une vision très administrative et peu de considération humaine. 

  • Sur la base de cet état des lieux, la CFDA formule des propositions…

Oui, la CFDA propose 15 conditions minimales pour garantir un véritable droit d’asile. Nous espérons être entendus dans le cadre d’une réforme du Ceseda. Face à l’échec total du dispositif d’accueil mis en place, échec du point de vue des associations mais également au regard des objectifs voulus par le ministère, il faut revoir de fond en comble la politique de l’asile pour que celle-ci soit plus respectueuse des engagements internationaux et européens de la France.

 

> Télécharger le rapport

 

photo : préfecture de Créteil - crédit photo : Jean Larive/ La Cimade

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21 décembre 2012 5 21 /12 /décembre /2012 16:27

Rencontre du Collectif asile en Île-de-France avec le Défenseur des droits

 

Le 11 octobre dernier, l’ACAT, avec le Collectif asile en Île-de-France, a rencontré le Défenseur des droits à la suite de la saisine que nous lui avions adressée en juin dernier portant sur l’accueil des demandeurs d’asile dans les préfectures franciliennes.

Nous y dénoncions les atteintes graves et répétées aux droits des demandeurs d’asile par les pratiques préfectorales. Par exemple, nous mentionnions les pratiques qui empêchent les demandeurs d’asile de déposer leur demande et d’accéder ainsi aux guichets des préfectures.

Ces pratiques illégales et dissuasives sont contraires au droit français et aux textes européens garantissant aux demandeurs d’asile le droit de déposer tout simplement leur demande d’asile. Nous évoquions également les multiples difficultés rencontrées par les demandeurs d’asile pour faire renouveler leur autorisation de séjour le temps de la procédure d’asile.

Le Défenseur des droits et son équipe se sont saisis de ces problèmes avec intérêt et leurs travaux se poursuivent.  

 

 

Actualité : quelques bonnes nouvelles pour le droit d’asile en France

 

Si le gouvernement ne semble pas annoncer de bonnes nouvelles pour les étrangers d’une manière générale, il semble que le droit d’asile fasse quelque peu exception puisque plusieurs mesures positives ont été annoncées. Mais, comme nous le disions en introduction, la grande réforme du droit d’asile n’interviendra que lorsque les instances européennes auront adopté le nouveau « paquet Asile », au sujet duquel nous restons très préoccupés.

 

  • Un budget plus sincère

 

Le budget alloué en matière d’asile dans la Loi de finance 2013 a augmenté de 22,6 % par rapport à 2012, ce qui correspond en réalité à un budget plus sincère au regard des dépenses réellement engagées les années précédentes.

Le montant de l’aide juridictionnelle allouée aux avocats devant la Cour nationale du droit d’asile va être augmenté, espérons que cette nouvelle rémunération contribuera à une meilleure défense des demandeurs d’asile devant la Cour nationale du droit d’asile. Des moyens supplémentaires sont également alloués à l’OFPRA dans l’objectif d’accélérer les procédures. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, table sur une procédure durant globalement entre 6 et 8 mois. Si une réponse rapide pour les demandeurs d’asile est souhaitable, elle ne doit pas pour autant faire l’économie d’une instruction approfondie et sérieuse de la demande d’asile. Nous y serons attentifs.

 

  • 4000 places supplémentaires dans les Centres d’accueil des demandeurs d’asile

 

4000 places en Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) vont être créées portant leur nombre à 26 690. Aujourd’hui, alors que l’hébergement est une des conditions matérielles d’accueil que les États européens doivent offrir aux demandeurs d’asile, la France n’offre de place en CADA que pour un quart des demandeurs. Ces 4 000 places supplémentaires représentent donc une avancée nécessaire, mais insuffisante. Rappelons qu’avec l’augmentation prévue il n’existe en France que 22 690 places en CADA, alors que la France compte sur son territoire le double de demandeurs d’asile en cours de procédure et ayant droit a un hébergement stable et décent.

 

  • Des conditions d’accueil dignes pour tous

 

Le Conseil d’État avait demandé un avis à la Cour de justice de l’Union européenne concernant les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile placés en procédure dite « Dublin ». C’est un mécanisme selon lequel toute personne qui souhaite demander l’asile à l’intérieur de l’espace Schengen doit le faire dans le premier pays par lequel il rentre dans cet espace. Ainsi, un Afghan entrant dans l’espace Schengen par la Hongrie et se signalant aux autorités, devra déposer sa demande d’asile dans ce pays. Il y sera renvoyé par tous les autres pays de l’espace Schengen s’il tente de la déposer ailleurs. Ce renvoi ne pouvant se faire immédiatement, les États, et notamment la France, avaient décidé que puisque la demande d’asile ressortissait d’un autre pays, le demandeur d’asile ne pourrait donc pas bénéficier des conditions matérielles d’accueil octroyées habituellement à tout demandeur d’asile (hébergement, allocation de subsistance, etc.)

 

Interrogée par le Conseil d’État à la demande du Gisti et de la Cimade, la Cour de Luxembourg a infirmé la position française le 27 septembre dernier, imposant que ces demandeurs d’asile puissent bénéficier, comme les autres, des conditions matérielles d’accueil assurant le respect de leur dignité.

 

  • Du côté de Bruxelles

 

Nous l’évoquions précédemment, un régime européen commun et harmonisé en Europe regroupé dans un « paquet Asile » se construit tant bien que mal. La révision de ce dernier dans un objectif d’uniformisation effective et d’une protection accrue des demandeurs d’asile devait être achevée en 2010. Elle a été reportée à fin 2012 et alors que les négociations battent leur plein à Bruxelles, il semble que les avancées que nous espérions ne soient pas satisfaites. 

 

Les directives européennes traitant de l’accueil des demandeurs d’asile, de la procédure d’asile en elle-même, des Règlements Dublin et du fichier Eurodac sont donc en cours de révision.

Certains points positifs sont à noter tel que, par exemple, l’introduction de la présence d’un tiers lors de l’entretien à l’OFPRA et l’enregistrement de cet entretien.

Mais la révision de cette Directive laisse encore une large marge d’appréciation aux États, leur permettant de maintenir de trop grandes divergences de traitement dans la demande d’asile.

 

Aussi, le mécanisme dit de Dublin évoqué précédemment requiert une profonde réforme. Il fait peser sur les États étant à l’entrée de l’espace Schengen la grande majorité des demandes d’asile, alors que c’est précisément dans ces États que les conditions de l’examen des demandes d’asile sont des plus lacunaires, voire indécentes. Les conditions matérielles d’accueil des demandeurs dans ces États sont très souvent indignes. La réforme n’apporte pas de solution à ces dysfonctionnements majeurs en Europe.

La réforme des conditions matérielles d’accueil semble également se faire à la baisse par rapport à ce qui avait été envisagé au début du processus de révision. Ainsi, le droit de travailler pour le demandeur d’asile ne serait ouvert qu’après neuf mois et non plus six.

Les systèmes de procédures accélérées, comme la procédure prioritaire en France avec la présence de listes de pays dits d’origine sûre, sont beaucoup trop diverses en Europe. Elles conduisent à des examens trop rapides des demandes et les recours exerçables ne sont pas suspensifs. Ces procédures qui nuisent au respect du droit d’asile ne sont pas encadrées par la réforme en cours.

Enfin, il était espéré que la refonte du « paquet Asile » permettrait de mettre fin à la détention des demandeurs d’asile qui a cours dans de nombreux pays, il semble qu’il n’en sera rien.

 

 

Zoom sur l’ANAFÉ

 

  • Colloque de l’ANAFE : « ÉTRANGERS AUX FRONTIERES : UNE ZONE EN ATTENTE D’AVOCATS »

 

Le 28 septembre dernier, l’ANAFE tenait un colloque à la Maison du Barreau de Paris qui avait pour thème : « Étrangers aux frontières, une zone en attente d’avocats ».

Rappelons tout d’abord que l’ANAFE intervient dans les zones d’attente des aéroports et des ports, grâce à des permanences physiques et téléphoniques, afin de prodiguer aux personnes maintenues dans ces zones internationales une assistance juridique leur permettant de faire respecter leurs droits trop souvent bafoués.

 

Le programme du 28 septembre dernier, qui s’annonçait très intéressant et riche, a tenu ses promesses. Ce colloque fut un réel succès, tant du point de vue de la qualité des interventions que du nombre et de l’écoute des participants.

La présence d’avocats en zone d’attente pour assister les étrangers qui y sont maintenus est une des revendications principales de l’association. Le colloque s’est attaché à en montrer la nécessité après avoir organisé en zone d’attente une permanence d’avocats pendant deux semaines.

 

  • Quelques victoires récentes de l’ANAFE

 

En juillet dernier, l’ANAFE a obtenu deux victoires intéressantes relatives à la défense des droits des personnes maintenues en zone d’attente et demandant l’asile. La presse s’était d’ailleurs fait l’écho de ces deux évènements.

 

Mi-juillet tout d’abord, l’ANAFE a saisi le Comité contre la torture des Nations unies du cas d’une Somalienne maintenue en zone d’attente à Roissy et que la France allait renvoyer dans son pays qui est en proie à une guerre civile et qui est privé d’État depuis 21 ans. L’ANAFE avait accompagné cette jeune femme dans les recours qu’elle pouvait exercer contre les refus du ministère, puis du juge administratif, de l’admettre sur le territoire afin de lui permettre de déposer une demande d’asile.

En dernier recours, l’ANAFE a donc saisi le Comité onusien, ce qui a eu pour effet de stopper le renvoi de cette jeune femme dans un pays où elle craint pour sa vie.

 

En juillet également, l’ANAFE est parvenu à faire libérer de zone d’attente un jeune Sénégalais menacé de renvoi dans son pays alors qu’il souhaitait demander l’asile en raison de son homosexualité. Alors que le ministère n’avait pas autorisé ce jeune homme à entrer sur le territoire français pour déposer sa demande, après un unique entretien expéditif de 30 minutes avec lui par téléphone, c’est le juge qui a finalement fait droit à la requête rédigée par l’ANAFE pour ce jeune.

Cette dernière a également réussi à faire entendre sa voix, et, par là même, celle du demandeur d’asile, en communiquant à la presse pour que « cesse cette politique migratoire restrictive qui n’hésite pas à écarter les principes de protection pourtant ratifiés par la France, sous prétexte de vouloir limiter l’accès à son territoire ».

 

 

 

DERNIERE MINUTE

La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) réunissait le 1er décembre dernier les associations agissant dans les différentes régions françaises. Cette journée a été l’occasion de leur présenter un état des lieux de l’accueil des demandeurs d’asile, réalisé par la CFDA, qui sera publié fin janvier.

 

 

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7 décembre 2012 5 07 /12 /décembre /2012 17:49

 

06 décembre 2012

Dans les jungles du Calaisis, la photo comme seule arme...

 

 Rencontre avec Marion Osmont, photographe, auteur de Des hommes vivent ici.

Vous avez commencé à vous rendre à Calais en 2009…

Oui, j’y suis allée peu après la destruction de la jungle afghane ordonnée par Éric Besson. Je n’ai pas voulu y aller lors du démantèlement, le 22 septembre 2009 : c’était un show médiatique organisé par le gouvernement. Dans la journée, tout a été rasé, y compris le mausolée dédié à un homme décédé dans cette « jungle ». 276 personnes ont été arrêtées dont 125 mineurs. Les adultes enfermés en centre de rétention ont tous été libérés par les juges, les mineurs ont quitté les foyers où ils avaient été placés. Cette opération médiatique, dont on n’arrive pas chiffrer le coût, n’a servi à rien. 

J’avais beaucoup lu sur Calais, mais ce que j’ai vu dépassait ce que j’avais pu imaginer. C’était comme une ville en guerre - des centaines d’adolescents afghans, dans le froid, sans abri, traqués : le harcèlement policier est constant à Calais , mais à cette période, c’était très intense. La honte et la colère ce sont les deux sentiments les plus prégnants. Je suis revenue avec une voiture chargée de couvertures - les associations évidemment distribuent repas et vêtements, mais je ne savais pas quoi faire, j’ai réagi de façon un peu désordonnée. Après, je me suis dit que le plus utile de ma part, puisque je  suis photographe, c’était de travailler à documenter cette situation. Je suis revenue pendant deux ans, une à deux fois par mois. 

 

 

Comment justement se positionner comme photographe face à cette situation ? 

Arriver dans un squat avec un appareil photo en bandoulière, c’est compliqué. Il m’a fallu du temps. Pour comprendre, et pouvoir photographier. On nous parle tellement de réseaux de passeurs mafieux que j’ai par exemple pendant six mois cherché les passeurs avant de comprendre que les Érythréens et les Soudanais (je travaillais dans les squats africains) passaient gratuitement - je ne dit pas qu’il n’y a pas de passeurs à Calais, mais pendant toute la période où j’y ai travaillé, les Africains passaient sans passeur. 

Ensuite, pendant très longtemps je n’ai pas pu prendre en photo les mecs qui se brûlent les doigts sur des barres de fer, en prenant le café, comme s’il s’agissait d’un geste banal : à Calais, les Africains sont arrivés par l’Italie ou par Malte, les Afghans par la Grèce, leurs empreintes y sont saisies, et en vertu du règlement Dublin II, ils n’ont pas droit de demander l’asile ailleurs que dans le premier pays par lequel ils sont entrés dans l’UE. Ils se brûlent les doigts pour pouvoir déposer une demande d’asile en France ou en Angleterre. Pendant longtemps, ça, j’ai refusé de le photographier. Finalement, je me suis dit qu’il était important de faire savoir que des hommes se mutilaient ainsi, et un jour j’ai demandé à deux d’entre eux, que je ne connaissais pas, s’ils acceptaient que je les photographie en train de se brûler. Photographier un homme en train de se mutiler, c’est évidemment compliqué. 

 

 

Le livre mêle photos, longs témoignages écrits et analyses…

La photographie n’explique pas tout. En deux ans, j’ai vu un homme revenir trois fois à Calais. Je l’ai vu trois fois, mais c’était déjà à sa dixième traversée pour l’Angleterre. Neuf fois il a été renvoyé en Italie où on avait pris ses empreintes, et neuf fois il est revenu pour tenter de passer à nouveau… On ne peut pas expliquer ça en photographies. 

Je publie aussi  le témoignage d’Ammanuel, qui a traversé  cinq fois la Méditerranée en boat people,  avant de réussir à rejoindre l’Europe. Il a été victime de violations de droits tout au long de son parcours… Il me semblait qu’il fallait expliciter clairement ces violations : pour quelqu’un qui n’est pas spécialiste, ça ne saute pas aux yeux à la lecture de son récit. J’ai demandé à Claire Rodier, juriste au GISTI, de commenter ce qu’il avait vécu. Elle revient également de façon plus large sur la dégradation du droit d’asile en Europe : les personnes qui sont à Calais, majoritairement, viennent de pays en guerre, on peut penser qu’ils ont besoin d’une protection internationale, ils pourraient déposer une demande d’asile si on leur en laissait la possibilité plutôt que de les pousser à continuer toujours un peu plus loin. Je me suis également entretenue avec Sylvie Copyans, secrétaire de Salam, et avec Mathieu Quinette, coordinateur de la mission MDM, qui tous deux racontent leur engagement mais aussi le harcèlement policier et judicaire dont sont victimes les migrants et ceux qui leur viennent en aide, particuliers ou associations. 

 

 

Aujourd’hui quelle est la situation à Calais ? 

Depuis la fermeture de Sangatte, il y a 10 ans, en décembre 2002, les squats et les « jungles » sont dispersés sur le littoral. Ils sont régulièrement détruits par les pouvoirs publics. Entre août et octobre, à Calais, tous les squats ont été détruits – aujourd’hui, en plein hiver, des centaines de personnes dorment à la rue. Face à ça, les associations ne peuvent que gérer l’urgence humanitaire. À Calais, rien n’a changé depuis l’alternance politique de mai dernier. Dans certaines communes, où sont installés des campements, comme à Norrent-Fontes, où j’ai aussi travaillé, ça se passe un peu différemment : après la destruction ordonnée l’hiver dernier par le préfet de la « jungle », l’association Terre d’Errance, avec le soutien de Médecins du Monde, a construit des chalets de bois pour accueillir temporairement ceux qui passent. Et Marc Boulnois, le maire de Norrent-Fontes a créé avec d’autres le réseau des Élus hospitaliers, qui porte des plaidoyers pour l’ouverture de centres d’accueil, à taille humaine, répartis sur le littoral : Sangatte, c’était un immense hangar, absolument pas conçu pour héberger des personnes, mais depuis la fermeture, rien n’a été mis en place, les réfugiés sont toujours aussi nombreux, et vivent dans des conditions toujours plus précaires. 

 

Des hommes vivent ici, Images Plurielles, décembre 2012. 

Marion Osmont travaille depuis 2009 dans les squats de Calais pour documenter le quotidien des hommes et des femmes qui y vivent. Son ouvrage, édité avec le soutien d’Amnesty International et de Médecins du Monde invite à une réflexion sur le droit d’asile en Europe. 

 
 
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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 10:42

La procédure d'asile en résumé

L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est l'établissement public chargé d'assurer l'application des conventions, accords ou arrangements internationaux concernant la protection des réfugiés. Créé en 1952, il est placé sous la tutelle du ministère de l'Immigration. Il est sous le contrôle de la Cour Nationale du droit d'asile (CNDA), juridiction administrative spécialisée.

L’OFPRA et la CNDA reconnaissent ou accordent, selon une procédure unique, deux types de protection :

1)  le statut de réfugié si vous relevez :
a) de l'asile constitutionnel, si vous avez été persécuté en raison de votre combat pour la liberté,
b) des articles 6 et 7 du  mandat du HCR (dit mandat « strict »);
c) de l'article 1er de la convention de Genève sur le statut des réfugiés.

2) la protection subsidiaire  si vous ne relevez pas du statut de réfugié mais que vous avez :
a) une menace grave de subir la peine de mort
b) une menace grave de subir la torture ou des traitements inhumains et dégradants
c) une menace grave et individuelle dans un contexte de violence généralisée due à un conflit armé (guerre ou guerre civile).

S’ajoute deux autres protections

a) l’apatridie, statut reconnu par l'OFPRA si aucun Etat ne vous considère comme son ressortissant (vous n’avez pas nationalité)
b)la protection temporaire, décidée par le Conseil Européen en cas d'afflux massif, il donne droit à un séjour de  six mois renouvelable pendant trois ans maximum . Vous pouvez demander asile en gardant cette protection.

B procédures d’asile

1 Admission au séjour
Pour saisir l’OFPRA d’une demande d’asile, vous devez vous rendre à la préfecture pour demander votre admission au séjour au titre de l’asile, avec l’indication de votre identité, de celle de votre famille et une adresse (éventuellement une domiciliation d’une association agréée)
Dans un délai de quinze jours, le préfet doit statuer sur cette demande.
1° procédure normale
Le préfet vous délivre une autorisation provisoire de séjour (APS).d'un mois .Le préfet vous demande si vous acceptez une offre de logement dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA). Dans l'attente vous pouvez être hébergé dans un hébergement d'urgence.
Vous devez remplir le formulaire OFPRA en français, le signer et y joindre la copie de l'APS et l'envoyer à l'OFPRA  dans un délai de vingt et un jours. Si vous ne respectez pas ce délai, votre demande ne sera pas enregistrée par l’OFPRA.
Si l'OFPRA enregistre votre demande, le préfet vous délivre un récépissé de trois mois  qui est renouvelé éventuellement jusqu’à la décision de la CNDA. Si vous avez répondu oui à l'offre de logement du préfet, vous pouvez bénéficier de l’allocation temporaire d'attente (ATA)  et demander d’être logé dans un CADA.
2° procédure sans titre de séjour (dite Dublin II ou prioritaire)
Le préfet peut vous refuser la délivrance de l'APS  pour quatre motifs

i.Un autre État européen est responsable de  l'examen de votre demande d'asile, selon le règlement Dublin II.  Le préfet vous demander de quitter la France pour ce pays.  L’OFPRA n’est alors pas compétent pour examiner votre demande d’asile.

ii.Vous avez la nationalité d’un pays considéré comme sûr

iii.votre présence constitue une menace grave à l’ordre public

iv.votre demande d’asile est considérée comme frauduleuse ou abusive

Dans les trois dernières situations, vous pouvez  saisir l’OFPRA d’une demande d’asile par le biais du préfet. L'OFPRA statue en procédure prioritaire (il doit répondre dans un délai de 15 jours ou 96 heures si vous êtes placé dans un centre de rétention administrative). En cas de rejet de l'OFPRA, un  recours à la CNDA ne suspend pas un renvoi par la force dans votre pays  Vous pouvez bénéficier de l'ATA pendant l'examen de votre demande par l'OFPRA.

2 Examen par l’OFPRA
L’OFPRA statue sur votre demande d'asile en vous convoquant à un entretien avec un interprète sauf exceptions.  Il statue d'abord  sur le statut de réfugié puis sur la protection subsidiaire. Il peut

  • vous reconnaître la qualité de réfugié. Vous avez le droit à une carte de dix ans et la France  remplacera les autorités de votre pays pour vous délivrer des documents d'état civil ou un titre de voyage. Votre famille (conjoint, concubin et enfants de moins de 19 ans)  bénéficiera des mêmes droits si elle est en France et si elle est dans votre pays, vous pourrez demander des visas pour les faire venir par une procédure simplifiée.
  • vous refuser  le statut mais vous accorder  la  protection subsidiaire : vous avez droit à une carte de séjour d’un an. Votre famille (conjoint, concubin et enfants de moins de 19 ans)  bénéficiera des mêmes droits si elle est en France et si elle est dans votre pays, vous pourrez demander des visas pour les faire venir par une procédure simplifiée.
  • rejeter votre demande. Il vous transmet une décision motivée et le compte rendu de l'entretien.

3   Recours CNDA
Toutes les décisions de l’OFPRA sont susceptibles d’un recours à la Cour Nationale du Droit d’Asile dans le délai d’un mois. Si la protection subsidiaire vous a été accordée, vous pouvez demander à la CNDA de vous reconnaître la qualité de réfugié sans perdre ce premier statut.
La Cour qui est composée de trois juges (un président, un assesseur HCR et un assesseur dit de l’administration) assistés d’un rapporteur,  statue en plein contentieux, c'est-à-dire qu’elle examine l’ensemble des éléments que vous lui présentez même s'ils ne l'ont pas été à l'OFPRA.
Elle vous  convoque à une audience où vous pouvez être assisté d’un avocat et d'un interprète sauf si elle considère que votre recours ne conteste pas suffisamment la décision de l’OFPRA.
La CNDA annule la décision de l’OFPRA et dans ce cas, reconnaît la qualité de réfugié ou octroie la protection subsidiaire ou elle rejette votre recours.

4  Déboutés

Si vous êtes rejeté par la CNDA, vous pouvez faire l'objet d'un refus de séjour et d'une  obligation de quitter le territoire (OQTF) vous invitant à quitter la France dans le délai d'un mois. Si vous souhaitez partir, vous pouvez demander l'aide au retour volontaire à l’Office français de l’Immigration et de l’intégration (OFII). Passé le délai d'un mois, la police peut vous faire partir par la force sauf si vous avez déposé, dans le délai d'un mois déjà évoqué, un recours contre l'OQTF auprès du tribunal administratif qui statue dans un délai de trois mois. Si le Tribunal annule les décisions, le préfet réexamine votre situation. Si vous êtes rejeté, on peut vous reconduire dans votre pays.

5 Réexamen
Après le rejet de la CNDA, si vous pouvez  invoquer des faits nouveaux, vous pouvez demander le réexamen de votre demande d’asile. Vous devez vous présenter de nouveau devant le préfet, qui vous remet une autorisation provisoire de séjour de 15 jours ou vous refuse  l’admission au séjour mais vous pouvez saisir l'OFPRA. Celui-ci statue sur votre demande et vous pouvez de nouveau faire un recours à la CNDA si la décision est un rejet.

C Droits sociaux

  • Droit au travail : l’accès au marché du travail est soumise à autorisation préalable de l’administration (DDTE). Vous pouvez  la demander si vous attendez depuis un an une réponse de l'OPFRA ou si vous avez fait un recours à la CNDA et que vous avez une promesse d’embauche.  On peut vous refuser cette autorisation parce que de nombreuses personnes recherchent le même type d’emploi dans votre région.
  • Allocation de subsistance : Si vous n'êtes pas  hébergé dans un CADA et que vous n'avez pas refusé de l'être, vous pouvez bénéficier de l'allocation temporaire d'attente (ATA) pendant toute la procédure d'asile. Son montant est de 10,54€ par jour et par adulte. Si vous avez une procédure prioritaire, vous pouvez toucher cette allocation pendant l'examen de votre demande à l'OFPRA.
  • CADA : vous pouvez demander à être logé dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile ou vous pouvez rester tant que votre demande d’asile est en cours auprès de l’OFPRA ou de la CNDA. Si vous refusez un logement proposé par le préfet ou si vous le quittez, vous ne pourrez plus  toucher l'ATA.
  • Santé : Dès votre première demande à la préfecture, vous avez une couverture maladie qui peut être complétée par une complémentaire Couverture Maladie Universelle. Si vous n'avez pas de titre de séjour, vous pouvez bénéficier de l'aide médicale d'Etat après trois mois de séjour en France

 

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4 septembre 2012 2 04 /09 /septembre /2012 06:44

Sur le site:

130 millions de repas ne seront pas distribués en France en 2012. DURAND FLORENCE/SIPA

SOLIDARITE - Le maintien de l'aide européenne a été bloquée jeudi... 130 millions de repas ne seront pas distribués en France en 2012.

Stupeur chez les associations caritatives. Le Conseil des ministres européens de l'Agriculture, qui se tenait hier à Luxembourg, ne s'est finalement pas décidé sur un maintien à flot du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). Les six pays (Allemagne, Suède, Pays-Bas, République tchèque, Autriche, Danemark) qui s'opposaient à l'utilisation de ce fond à des fins sociales, ont persisté dans leur démarche, jugeant que le soutien à l'aide alimentaire doit être assuré par les Etats.

Aucun compromis pour l'heure

Une situation de blocage dont les conséquences seront lourdes: car, sauf nouvelle décision, le PEAD sera donc bel et bien amputé de 80% en 2012. Son budget passera donc de 500 millions à seulement 113 millions l'an prochain. Ce sont «18 millions d'Européens totalement démunis qui devront tenter de survivre aux deux prochains hivers sans le support de l'Union européenne. Bienvenue au Moyen Age!», s'est enflammé Marc Tarabella, chef de la délégation PS au Parlement européen dans un communiqué.

Avec des répercussions en cascade: «Pour la France, cela signifie que 63 millions d'euros manqueront au budget des associations en 2012 et que 130 millions de repas ne seront pas distribués l'an prochain. Et la situation devrait être pire pour 2013», explique Jean-Louis Callens, secrétaire général du Secours populaire. Son seul espoir désormais, «que les associations et l'opinion publique fassent un grand ramdam dans les prochains jours pour pousser les pays réfractaires à faire marche arrière». Si aucune situation n'est trouvée, les associations n'auront plus qu'un recours: demander à l'Etat français de mettre la main à la poche. Dès jeudi, dans une interview à La Croix, le ministre de l'Agriculture, Bruno Le Maire, envisageait que la France compense le manque à gagner des associations. «Nous ne laisserons pas tomber les associations caritatives», a-t-il déclaré. Une promesse qui n'est pas tombée dans l'oreille de sourds.

Delphine Bancaud
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