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12 mai 2013 7 12 /05 /mai /2013 08:11

 

Dossier fraternité

TC n° 3537 9 mai 2013
Frères et sœurs d’exclusion

Par Marc Endeweld

Martin Luther King, le 28 août 1963, à Washington, quelques minutes avant de prononcer son célèbre discours « I have a dream ». Copyright : AFP
  La fraternité amène à constituer des « nous ». Une force pour les faibles, les opprimés, les exclus. Quand le lien fraternel se conjugue avec communautés.
Lors d’une conférence à l’automne 2012 devant des Francs-maçons, Régis Debray expliqua : « La fraternité, c’est toujours le fait d’une minorité. Les majorités n’ont aucune rai­son d’être fraternelles. La fraternité, c’est la seule force que l’on a quand on est faible. La fraternité rime avec fragilité. La vulnérabilité fait lien . »

De fait, la fraternité, cet « angle mort » du discours politique majoritaire d’aujourd’hui, a toujours été le moyen d’engager des luttes minoritaires. Cette « part nocturne, maudite et motrice, de la caravane humaine, jacqueries et révoltes, sentiment d’humiliation, sursauts de colère, besoin de dignité », souligne d’ailleurs Régis Debray dans Le moment fraternité. Et l’intellectuel de faire référence aux Canuts insurgés de la Croix Rousse, ou aux Communards à Paris.

combats minoritaires

Mais, plus proche de nous, on pourrait davantage évoquer le mouvement des droits civiques aux États-Unis et l’affirmation des Noirs, comme celle des gays, lesbiennes et trans, depuis la fin des années 1960. Dans ces combats minoritaires, le sentiment fraternel naît, comme lors des constructions nationales au XIXe siècle, de moments mythiques et mythifiés : c’est en 1955, le boycott des bus de Montgomery, déclenché à la suite de l’arrestation de Rosa Parks qui refusait de laisser son siège, dans un bus, à un Blanc. Mais ce sont également les émeutes de
Stonewall : une série de manifestations contre un raid de la police – qui a eu lieu dans la nuit du 28 juin 1969 à New York, au Stonewall Inn –, à l’origine du mouve­ment des droits civiques pour les homosexuels, aux États-Unis et partout dans le monde.

La fraternité est donc une arme contre l’exclusion, la stigmatisation : « Le fraternel, plus latino et africain qu’européen, respire à l’aise dans les colored people, mais il a l’asthme chez les white only », note d’ailleurs Debray. « Brothers, sisters, hermanas, hermanos », cette fraternité est « l’orgueil des banlieues, la fierté des terrains va­gues », ajoute-t-il. Pour ne pas être excluante, la fraternité doit être capable de dépasser les barrières : « Être fraternel, c’est faire famille avec ceux qui ne sont pas de la famille… car la fratrie c’est souvent la férocité », note Debray.

I have a dream

La fraternité, ce n’est donc pas nier les différences, mais faire avec. À la différence de l’humanisme, la fraternité peut rassembler sur la dissemblance et sait transformer l’humiliation en fierté. « Il est difficile d’être un homme. Mais pas plus de le devenir en approfondissant sa communion qu’en cultivant sa diffé­rence », écrivait André Malraux dans Le temps du mépris. Et le pasteur Martin Luther King, dans son fameux dis­cours « I have a dream » prononcé en août 1963, en appelait à la fraternité entre Noirs et Blancs.

Mais cette fraternité noire qui a porté la lutte pour les droits civiques aux États-Unis était rendue possible, selon Régis Debray, par la force du patriotisme américain, «  la One Nation under God », qui permet, en principe, un métissage de communautés par le haut. À l’inverse, selon lui, « la France ressemble à un vaisseau de cathédrale désaffectée dont le chœur s’est écroulé, mais à laquelle, on ne se cesserait d’ajouter, sur les colla­téraux, chapelles et diverticules ».

L’enjeu est donc bien de faire du même avec de l’autre, et non du même avec du même. Paradoxalement, dans une société où les individus jouissent d’appar­tenances multiples, le rêve d’une société fraternitaire est peut-être, contrairement à ce qu’essayent de nous faire croire certains Cassandres médiatiques, plus que jamais à notre portée.
Et c’est peut-être ce qui fait peur aux puissants.
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